Quand Anna Halprin travaille la présence, en interrogeant les modalités de son apparition, en s’arrêtant sur le quand et le comment de l’accomplissement d’un geste, Antoinette Ohannessian saisit le présent par la captation régulière de situations. Avec la lecture du travail de Anna Halprin nous verrons en quoi la tâche modélise des corps et comment la partition dansée participe d’une nouvelle « somatisation » de la pensée immédiate ; en engageant le corps dans le processus de réflexion, Anna Halprin a inventé un nouveau rapport à l’expérience artistique où le « Je », loin de se mettre en avant, se construit au travers du partage et de l’élaboration d’une expérience collective. A partir du travail d’écriture d’Antoinette Ohannessian, artiste contemporaine, nous verrons comment les mots de l’actualité, issus de l’information continue d’internet, résonnent avec ceux que l’artiste rédige suite à l’observation rigoureuse de son présent, elle interroge sa manière d’être à l’espace et au temps par le récit pointilleux et succint d’une année de sa vie. Image philosophique de l’absurde, le ménager, le résidu, le quotidien, ramène l’œuvre sur le terrain du banal et figure l’image même de la chute, telle que l’époque classique se la représentait. Ici, elle est assumée, vécue, ces deux artistes en font puis en traduisent l’expérience à des fins esthétiques. Le domestique n’est plus l’objet d’une considération hautaine, fruit d’une vue surplombante et supérieure, mais vécu, cité, joué et mis en scène pour poser l’énigme du présent, de l’éphémère, dans lequel l’expérience, vécue, mais réfléchie, construit l’œuvre.